Tribune sur le G8 et la campagne pour le NON publiée dans l’Huma

Nous avons voté non le 29 mai... et nous étions au contre sommet du G8 ! Du non de gauche au G8, la voie peut sembler tortueuse. Et pourtant...

Un G8 de plus et non, non, non, rien n’a changé !

Une nouvelle fois réunis dans un camp retranché loin du contrôle direct des citoyens, les 8 chefs d’Etat des pays les plus puissants de la planète ont vu les conclusions de leur rencontre largement occultées par les terribles et inadmissibles attentats de Londres. Pourtant, en y regardant de plus près, la déclaration finale du G8 de Gleneagles (Ecosse) est du même tonneau que les précédentes et elle renforce notre analyse : le G8 est illégitime et dangereux pour les peuples de la planète.
Comme les autres, le G8 2005 a été riche en effets d’annonce, aussi bien en amont que dans sa déclaration finale. Afin de replacer le Royaume-Uni au centre de la scène diplomatique internationale, Tony Blair a tenté de faire plier Georges Bush sur le climat et l’annulation de la dette et il a concentré ses efforts de communication sur les pays pauvres, l’Afrique en premier lieu. Pourquoi ? Pour se présenter comme le bras charitable de l’alliance Londres/Washington et équilibrer le bras armé des Etats-Unis de Georges Bush.
La situation est paradoxale : les questions de la pauvreté et de la dette des pays pauvres n’ont jamais été aussi présentes dans le débat public. Mais ce ne sont pas les déclarations incantatoires de Blair et ses amis qui nous laissent entrevoir des progrès sur le sujet. Pas plus que les intentions du Live 8 - ces fameux huit concerts contre la pauvreté - et la bonne volonté de ses promoteurs dont les discours très moralisateurs ne s’attaquent en rien aux racines du mal. D’ailleurs, le consortium de la charité « Gedolf/Bono & co » s’accommode très bien du soutien étrange de Tony Blair et du G8 dans son ensemble, mais aussi du très suspect sponsoring de multinationales que l’on placerait plus facilement dans le camp du problème que dans celui des solutions.

Comme la Constitution européenne, ce G8 avait été décrété « historique ». Comme pour la Constitution européenne, les artisans du G8 ont organisé un véritable show médiatique en multipliant les déclarations de bonnes intentions. Mais il y a eu bluff ! Tout comme les partisans de la Constitution n’ont cessé de fanfaronner en vantant de prétendues avancées sociales et en culpabilisant les électeurs de gauche, Blair, Chirac, Bush, Poutine et les autres ont privilégié la communication lénifiante plutôt que de tenir compte des aspirations de ces centaines de millions d’être humais qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui n’ont pas les moyens de se nourrir. Par exemple, seule une infime partie de la dette des pays pauvres est concernée par les annonces du G8 : 40 milliards de $ pour 18 pays seulement. Il y a 42 Pays pauvres très endettés et 165 pays en voie de développement, alors que la dette totale des pays pauvres dépasse les 2500 milliards de $ ! Les chiffres sont éloquents. Qui plus est si l’on se souvient des annonces similaires faites en 1999 au G8 de Cologne, et toujours pas appliquées à ce jour. Ce sont également des chiffres à comparer aux 700 milliards de dépenses militaires des pays du G8.

Priorité du G8 de 2003 à Evian, l’Afrique l’a été de nouveau cette année. Entre temps ? Son sort s’est aggravé. Vouloir aider l’Afrique sans augmenter très sensiblement l’aide publique et sans réformer profondément les conditions du commerce international qui l’appauvrissent ne sont que des mascarades pour naïfs. Tout comme prétendre à davantage de solidarité avec les pays est-européens à budget constant ne fut que bluff et mensonges des partisans de la Constitution européenne. Qu’on arrête donc de multiplier les annonces infondées pour tromper les citoyens et sauver les apparences ! Il est temps de trouver et d’appliquer de véritables solutions qui prennent les problèmes à la racine. Ce que ne font ni le G8 ni la Constitution européenne, bien au contraire.

Mêmes carences sociales, mêmes carences démocratiques : tout comme la Constitution, le G8 est illégitime. C’est une Convention non élue composée de membres désignés qui a rédigé le projet de Traité constitutionnel ; autre « oeuvre » de Giscard, le G8 est un directoire auto désigné des huit « maîtres du monde », chefs d’Etat des huit pays les plus riches du monde, entourés de leurs sherpas et autres conseillers, véritable suite impériale sans mandat populaire. Et Jacques Chirac qui s’y est rendu pour représenter la France après avoir défendu avec le succès qu’on sait les JO 2012 à Singapour peut revendiquer en matière d’olympisme un record d’impopularité ! Il a été en cette matière en bonne compagnie avec Berlusconi, Blair et Bush embourbés dans la guerre en Irak, Schröder miné par sa politique anti-sociale, et Poutine en grand modèle démocratique ! Officiellement informelles, les rencontres annuelles du G8 sont en réalité de véritables lieux de décision qui impulsent les politiques économiques à l’échelle mondiale, en vue des réunions de l’ONU, du FMI ou de l’OMC. Le G8 ? Une avant-garde de la libéralisation du monde et de l’asservissement des populations. Et une véritable forteresse contre quiconque veut contester : les arrestations, souvent pour simple délit de manifestation, ont concerné plusieurs centaines de militants, dont certains ont été retenus plusieurs jours en prison. Taper du tambour contre le G8 est devenu un délit d’expression démocratique. Que font les polices écossaises et anglaises ? Elles fichent et enregistrent tous ceux qui contestent l’ordre établi, tous ceux qui exigent une véritable transformation sociale. Pour quelle raison ? Pour qu’enfin toutes les polices européennes disposent d’un fichier exhaustif de l’ensemble de ceux qui sont susceptibles d’apporter la contradiction un jour en Europe... Est-ce l’Europe que nous souhaitons ? Ce n’est en tout cas pas la nôtre !

Le G8 de Gleneagles devait être historique. Il fut conforme aux précédents : une mascarade illégitime. La Constitution, aussi, devait être historique, nous a-t-on dit, en précisant qu’elle permettrait des « avancées sociales inégalées ». L’histoire et le vote des Français ont tranché. Loin d’être passés du côté obscur de la force des Le Pen et autres fachos, les nonistes de gauche ont transformé le référendum en un plébiscite anti-libéral et pro-européen. Si les arguments nationalistes et souverainistes n’ont pas été absents de la campagne - arguments que le camp du OUI ne nous a pas épargnés non plus - le camp du NON a bien gagné par la gauche, tout en devenant majoritaire à gauche, sur des bases sociales, solidaires et internationalistes. Un feu de paille ? Le succès de la rencontre nationale des collectifs pour le non de gauche du 25 juin nous laisse penser le contraire. Ainsi se précise l’espoir de voir l’essai du 29 mai transformé en élaboration d’alternatives et de luttes contre le libéralisme, pour une autre Europe. Une autre Europe pour un autre monde, un monde qui ne soit pas inféodé aux seuls intérêts des 8 chefs d’Etat des pays les plus puissants réunis au sein du G8. Car l’Europe que nous avons défendue en votant NON est une Europe solidaire, sociale et démocratique, une Europe ouverte sur le reste du monde. Mais également une Europe solidaire envers les autres peuples de la planète, une Europe qui se donne les moyens de lutter contre la pauvreté et la faim sur toute la planète.

Comme le 29 mai, seule l’irruption démocratique des peuples peut troubler les règles du jeu imposées par en haut. C’est pourquoi, après l’insurrection démocratique et la désobéissance électorale du 29 mai, nous avons manifesté au contre sommet du G8 d’Edimbourg, avec nos amis écossais et du reste du monde. De manière déterminée et pacifique, nous nous sommes invités et nous nous inviterons dans un débat dont les peuples ne doivent pas être privés. Parce que l’autre Europe que nous avons appelée de nos vœux le 29 mai s’inscrit dans notre combat pour un autre monde, un monde solidaire et sans guerre.

Maxime Combes et Sylvain Pattieu, militants altermondialistes, signataires de l’appel des 200 contre la Constitution européenne.