Un NON pour une refondation démocratique d’une Europe sociale et solidaire

DOSSIER EUROPE

Un NON pour une refondation démocratique d’une Europe sociale et solidaire

Le rejet du traité constitutionnel
européen par le peuple français
le 29 mai, suivi, trois jours plus
tard, par le NON d’un autre État fondateur
de la Communauté Économique Européenne
(CEE), les Pays-Bas, constitue
un événement politique majeur. C’est
une première victoire contre l’Europe libérale
et anti-démocratique. C’est un
vote populaire, antilibéral et européen.
Avec un score proche de 55 %, cette victoire
est une victoire qui en appelle
d’autres [cf article, p11]. Et contrairement
à ce que les partisans du OUI ont
laissé entendre pendant la campagne,
ce NON ne marque en rien un repli nationaliste
et xénophobe. Loin d’être passés
du côté obscur de la force des Le
Pen et autres fachos, les nonistes de
gauche ont transformé le référendum en
un plébiscite anti-libéral et pro-européen.

S’il ne faut pas sous-estimer
l’existence d’un vote nationaliste
et souverainiste, le camp
du NON a gagné en devenant
majoritaire à gauche, sur des
bases sociales, solidaires et
internationalistes.

Plus de 60 % des 18-25
ans ont voté NON. En
décembre dernier, plus de 80
% d’entre eux prévoyaient
pourtant de voter OUI au référendum
pensant que l’Europe
est une chance pour
eux. Ce vote NON chez les
jeunes est un vote fortement
pro-européen : il ne s’agit pas
d’un refus de la construction
européenne, mais de l’exigence
affirmée d’une autre Europe, qui
soit démocratique, sociale, solidaire et
écologique.

L’inscription des politiques européennes
dans la mondialisation libérale,
tout particulièrement depuis l’Acte
Unique (1986) et le traité de Maastricht
(1992), provoque, de manière délibérée,
une situation d’insécurité économique et
sociale généralisée. Le primat de la
concurrence « libre et non faussée » sur
toute autre norme, ainsi que la liberté absolue
accordée aux mouvements de
capitaux, de biens et de services, ont
abouti à faire de l’Union Européenne un
espace de « tout -marché ».

En l’absence des mesures de
solidarité et d’accompagnement financier
de grande envergure qui s’imposaient,
l’incorporation de 10 nouveaux États
membres, le 1er mai 2004, a constitué un
simple élargissement du marché. Elle
encourage et même organise le dumping social et fiscal, ainsi que les délocalisations, au bénéfice
des entreprises et des marchés financiers.

Ce sont les bases de cette Europe là que le traité prétendait constitutionnaliser.
Ce sont elles que le peuple français a massivement désavouées.
Par leur niveau de participation sans précédent à un scrutin européen,
les citoyennes et les citoyens ont également signifié qu’ils
n’acceptaient plus d’être dépossédés de la maîtrise de leur avenir par
des mécanismes de décision européens sur lesquels ils n’ont aucune
prise réelle. Les politiques néolibérales conduites au niveau national par
les gouvernements français depuis deux décennies et celles décidées
au niveau de l’Union relèvent de la même logique, et c’est cette logiquelà
que le NON peut inverser.

Une bonne partie des classes populaires, celles qui, par le chômage,
la pauvreté et la précarité de masse, sont les premières victimes de ces
politiques, ont, dans l’espérance d’un changement, retrouvé le chemin
des urnes. C’est là une grande victoire de la démocratie, mais elle témoigne
en même temps de la très grave crise de la représentation politique
en France et en Europe. Tout indique en effet que certaines ratifications
parlementaires du traité, souvent acquises à la sauvette, sont en
complet décalage avec l’opinion des citoyens. C’est en particulier le cas
de l’Allemagne.

La campagne du OUI a été relayée par une propagande d’État, dotée
de considérables moyens financiers venant du gouvernement français et
de la Commission européenne, et agissant de concert avec la quasi totalité
des médias. Ces derniers, faisant preuve de partialité (cf. article
Alexandra), ont tenté de dénaturer le sens de l’engagement d’Attac et
des autres partisans du NON de gauche, en présentant le référendum
comme un plébiscite pour ou contre l’Europe, alors qu’il s’agissait, à la
faveur de la question posée, de dire OUI ou NON à l’Europe libérale.
Malgré l’arsenal déployé à son service, le néolibéralisme a subi
un échec cuisant. Des témoignages de soutien et de sympathie provenant
des autres Attac et des mouvements sociaux ont afflué de tous les
pays d’Europe et des autres régions du monde. Ils considèrent légitimement
que notre victoire est aussi la leur. Un grand espoir est né, qui dépasse
largement le cas de la France. Le premier devoir de toutes celles
et tous ceux qui ont contribué à la victoire du NON démocratique, antilibéral
et européen est de ne pas le décevoir.

Liens vers diverses déclarations :

P.-S.

UE : Quelques mesures à prendre dans l’urgence :

Retrait des directives de libéralisation en cours (Bolkestein, temps de travail...), une répartition plus juste des richesses ; la lutte contre le chômage, la précarité, la pauvreté et l’exclusion sociale ; la défense de notre environnement ; la remise en cause du rôle de la Banque centrale européenne et du pacte de stabilité ; la défense et le développement des services publics ; l’action pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes ; le respect des droit des immigrés ; une action européenne en faveur de la souveraineté alimentaire en tant que droit fondamental des peuples ; sont quelquesunes des mesures qui ont été fixées comme des objectifs de mobilisations et de victoires prochaines.