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Les chefs d’Etat de l’Union Européenne ont négocié un accord définitif sur le contenu de la Constitution européenne, qui déterminera grandement l’avenir de l’Europe. Souhaitant une Europe sociale, solidaire et réellement démocratique, nous tenons à alerter les citoyens nd bien même elles seraient souhaitées par une majorité d’Européens. Une autre Europe est possible !

 Les délires ultra-libéraux comme fondement de la Constitution

Les grands media ont beaucoup parlé des futurs droits de vote entre pays au sein du Conseil, occultant ainsi le cœur de la Constitution. Au-delà des questions institutionnelles, le projet définit des objectifs et des principes inacceptables, qui, s’il était adopté, ferait de l’ultra-libéralisme l’horizon indépassable de l’Union Européenne.

Ainsi, la concurrence y est imposée comme la voie essentielle d’allocation des ressources. La politique économique est menée conformément au « principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». La concurrence ne saurait être un objectif et une norme supérieure de l’Union. La coopération devrait lui être substituée. Or, le projet de Constitution prône « un marché unique où la concurrence est libre et non faussée ».
Les services publics n’échappent pas à cette règle d’or : ils ne sont tolérés que dans le cadre du respect de la concurrence et menacés d’une saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes en cas de situation privilégiée sur un marché. Il est au contraire impératif de les faire apparaître dans le titre I, qui définit les principes et objectifs de l’Union, afin d’empêcher la marchandisation de la culture, de l’éducation et de la santé par la politique commerciale commune.

Mais la future Constitution ne s’arrête pas là. Elle rend d’ores et déjà impossible toute taxe sur les transactions spéculatives de type Tobin. En effet, l’« intérêt commun » est assimilé à la « suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs » et il est question d’interdire toute restriction aux mouvements de capitaux.
Le projet actuel indique également que « la politique monétaire a pour objectif principal de maintenir la stabilité des prix », mais ne devrait-elle pas être plutôt au service de la solidarité et du plein emploi ?

Au-delà de ces délires ultra-libéraux, est-ce vraiment le rôle d’une Constitution d’imposer une politique économique ? Les conventionnels ont avant tout voulu graver dans le marbre l’ultra-libéralisme.

 La course aux armements et l’alignement sur l’OTAN comme ambition pour l’Europe

Le projet spécifie que la politique de sécurité et de défense commune de l’UE doit être compatible avec la politique de sécurité et de défense de l’OTAN. Or, celle-ci n’est pas une institution européenne, mais bien le principal outil de la domination des Etats-Unis sur l’Europe ! Il faut donc supprimer toute référence à cette institution dans le traité.
Plus généralement, la militarisation ne saurait être une obligation de l’Union et il faut donc également supprimer l’article I-40, qui édicte que « les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ».
Pas de privilèges pour les Eglises, l’Union doit être laïque
Un article est entièrement consacré au statut des Eglises et des organisations non-confessionnelles, où il y est notamment précisé que « l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces Eglises et organisations ». Or, celles-ci sont les seules à bénéficier d’une telle reconnaissance officielle dans le traité et il est donc nécessaire de rectifier cette anomalie, de même qu’il sera primordial de veiller à ce qu’aucune référence à l’« héritage religieux commun » ne figure dans la Constitution. Anodine, cette référence pourrait dans le futur par exemple servir de base à une remise en cause du droit à l’avortement. C’est en tout cas ce qu’ont derrière la tête les lobbyistes du Vatican.

 Les insuffisances démocratiques

La Constitution maintient à la Commission le monopole de la proposition d’un acte législatif. Cette dernière, non élue démocratiquement, et qui détient en outre des pouvoirs exorbitants en matière de concurrence, ne doit pas avoir le monopole de l’initiative des lois européennes : le Parlement et le Conseil européens doivent pouvoir disposer du droit d’initiative d’actes législatifs, et pouvoir être saisis directement à l’initiative des citoyens. En outre demeure le cumul des pouvoirs exécutifs et législatifs au sein du Conseil européen, à la fois organe législatif européen et composé de membres d’exécutifs nationaux.
Par ailleurs, les articles régissant la politique commerciale ne prévoient aucun contrôle des élus sur son contenu. Elle doit faire l’objet d’un contrôle démocratique et la Commission doit donc au minimum présenter un rapport annuel circonstancié sur ses activités, soumis à l’approbation du Parlement européen et des Parlements nationaux.

Quant à la Banque Centrale Européenne, elle devrait, tout comme les banques centrales nationales, rendre des comptes aux élus, donc être soumise à l’autorité des gouvernements et élus nationaux ainsi qu’à celle du Parlement européen.

Enfin, les articles relatifs à la citoyenneté de l’Union doivent s’appliquer non seulement aux citoyens de l’UE, mais également aux résidents non ressortissants d’un des Etats membres.
Doit également être mentionnée au titre des objectifs de l’Union une clause affirmant le principe de non-régression des droits des citoyens de l’Union, en particulier au regard du respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. La Charte des Droits Fondamentaux, intégrée à la Constitution, est un net recul par rapport à nombre de textes nationaux (comme le préambule de notre Constitution de 1946) et internationaux (comme la Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950). Son principal déficit est dans la non-reconnaissance des droits économiques et sociaux. Elle reconnaît par exemple le « droit de travailler » et non le « droit au travail », base juridique de notre système d’indemnisation des chômeurs ?

Enfin, s’il est précisé que l’Union « promeut l’égalité entre les hommes et les femmes », il ne s’agit pas seulement de promouvoir, mais surtout de garantir cette égalité, qui doit donc figurer dans les valeurs fondamentales de l’Union, au même titre que la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit et le respect des droits de l’Homme.

  La nécessité d’une consultation populaire pour ratifier la Constitution.

Après avoir été approuvé par le Conseil de l’Union Européenne (ce qui ne saurait malheureusement tarder), le « traité constitutionnel » devra être ratifié par chacun des 25 Etats-membres, selon des modalités qu’ils choisiront.

La tenue d’un référendum est impérative ! N’a-t-on jamais vu dans un pays démocratique une constitution adoptée sans consultation directe du peuple ? On ne peut à la fois proclamer l’importance du futur traité (en le baptisant Constitution européenne), répéter à satiété qu’il faut « rapprocher l’Europe des citoyens » et dénier à ces derniers le droit de se prononcer directement sur un sujet aussi crucial pour leur avenir.

Le Conseil Européen de Laeken en 2001 a convoqué une Convention constituée principalement de représentants des gouvernements, de députés européens et nationaux et de la Commission. Son but était d’écrire un « traité constitutionnel » remplaçant tous les traités de l’Union (l’Acte Unique, Maastricht, Amsterdam et Nice). Malheureusement, aucun des conventionnels n’a reçu comme mandat des peuples européens pour donner une constitution à l’Europe. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui réclament une Constituante avec un mandat explicite.

Marceau (Jussieu),
Raphaël (Aix)