La recherche en péril

Qu’est devenu le temps où l’Etat faisait de la politique et pas uniquement de l’économie, de la gestion ? Où est passée la démocratie, symbole de choix de société ? Notre avenir est sacrifié sur l’autel du libéralisme, du bradage des services publics, présentés comme unique issue possible. Le soi-disant cadeau du gouvernement, suite à la mobilisation des chercheurs au printemps dernier, est un leurre et la recherche publique reste en danger. S’il est un domaine qui participe à l’élaboration d’un bien commun et qui ne doit pas être régi par des intérêts marchands et de court terme, c’est bien la recherche.
Economiquement, force est de constater que si la révolution industrielle et le développement qui l’a accompagnée étaient basés sur l’accumulation de facteurs de production (ressources) et donc sur une croissance exogène, aujourd’hui, les nouvelles technologies se fondent sur une croissance endogène. C’est en effet, non pas leur acquisition mais leur usage qui crée de la valeur. Les nouvelles technologies, plus que toute autre découverte dans l’épopée humaine, nécessitent une forte cohésion de la nation pour permettre leur développement et leur diffusion.
Quand le gouvernement coupe les crédits de la recherche, c’est l’avenir des citoyens et de la société qu’il sacrifie.
Le secteur privé, régi par des intérêts à court terme, ne peut pas porter ses investissements sur une vision de développement à long terme. Les multinationales font des choix qui sont bons pour leurs actionnaires, pas pour l’humanité. Elles vont miser sur des médicaments pour soigner ceux qui peuvent se les payer. Elles vont chercher à protéger leurs innovations par des droits de propriété abusifs, les empêchant de se diffuser et par conséquent de susciter de nouvelles innovations et pratiques organisationnelles et sociétales. Un autre aspect de l’abandon de la recherche est celui de l’éducation.
La transmission de savoir-faire d’une génération à l’autre et la conservation des acquis pour construire demain sont essentiels. Avec le sacrifice de la recherche publique, c’est aussi la recherche universitaire qui disparaît.
Etudiants, quel choix vous restera-t-il ? Des formations à des prix exorbitants parce qu’à l’université il n’y aura plus d’enseignants chercheurs faute de moyens. Seuls les jeunes issus de milieux très « favorisés » pourront accéder au savoir, celui de la pensée unique, perpétuant ainsi un modèle dominant. La connaissance s’achètera, elle ne se méritera plus. « Notre école est meilleure, nos intervenants sont mieux payés ».C’est donc aussi tout le principe d’égalité des chances qui est remis en cause.
Le mouvement « Sauvons la recherche » a réussi à imposer des revendications d’urgence. Après 3 mois de lutte ils ont réussi à obtenir... le maintien du nombre d’emplois stable dans le CNRS. Pourtant aujourd’hui encore plus de la moitié des acteurs de la recherche française sont en situation précaire. Cette précarité est ce qu’il y a de plus nuisible dans la recherche : elle dissuade tout projet innovant (mieux vaut « assurer » son sujet), elle encourage à garder des résultats non publiés (pour faire des demandes de crédits sur des résultats qu’on a déjà)...
La recherche doit être publique si elle veut participer à l’enrichissement du bien commun (et pas de quelques multinationales), mais cela ne suffit pas. Elle doit aussi garantir une indépendance et un véritable statut à l’ensemble de ses acteurs.
A cette seule condition peut-elle être vraiment innovante et garantir la richesse d’une société, et pas seulement une richesse économique.

Sam (AC Ulm) et Marion Robert (AC Aix)