Désobéissance civique : Désobeissance civique : faucheurs et faucheuses volontaires d’OGM.

Que reste-t-il aux citoyens responsables pour que le droit redevienne la référence de régulation entre les personnes et les biens, pour que les institutions démocratiques retrouvent leur indépendance et soient des instances de défense du bien commun ?
La situation actuelle ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre pour que la démocratie reste une réalité. C’est l’impuissance politique et l’usage inversé de la loi qui nous font entrer en résistance pour refuser la fatalité.
Nos gouvernements persistent à favoriser les intérêts privés au détriment de l’opinion publique, de décisions d’élus locaux (arrêtés de zones hors OGM suspendus) et du principe de précaution. La désobéissance civique devient donc légitime
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« Renoncer à la Désobéissance Civique, c’est mettre la conscience en prison », a dit Gandhi. La désobéissance civique est une action citoyenne et réfléchie. Elle peut compter sur un soutien important de la collectivité puisque 70% des Français sont opposés aux OGM dans leur alimentation. 16 régions refusent les OGM et 1 500 communes ont pris des arrêtés pour les interdire sur leur territoire.
En août 2003, le gigantesque rassemblement sur le plateau du Larzac était non seulement placé sous le signe de la lutte contre l’OMC, mais aussi sous celui de la lutte contre les OGM : José Bové venait de passer six semaines en prison pour « destruction en réunion » d’organismes génétiquement modifiés. Face à l’extraordinaire mobilisation, Jean-Baptiste Libouban, animateur de la Communauté de l’Arche (communauté non-violente fondée par Lanza del Vasto sur les contreforts du Larzac), lança un appel aux Faucheurs et Faucheuses Volontaires, proposant ainsi aux personnes de se porter volontaires et de s’impliquer dans la lutte, afin que la désobéissance civile ne se limite pas aux seuls paysans et représente un engagement personnel, non dicté par un syndicat ou un parti politique. Plus d’un an après, plus de 4000 personnes de toute la France se portent volontaires pour les fauchages et autres mobilisations contre les OGM à venir.
Les faucheurs volontaires ne s’attaquent pas à la recherche fondamentale sur les OGM. A leurs yeux, celle-ci doit suivre des protocoles rigoureux dans ses expériences, réalisées en milieu confiné. Elle doit répondre sans préjudice aux véritables besoins de la société et ne pas faire le jeu du marché. Les faucheurs volontaires dénoncent les expérimentations et les cultures en plein champ qui permettent la contamination irréversible des autres espèces végétales et portent atteinte au patrimoine de l’humanité. Ils refusent le brevetage du vivant qui mettra les paysans du Nord comme ceux du Sud sous la domination des entreprises biotechnologiques et qui, au lieu de réduire la faim dans le monde, comme proclamé, risque de l’augmenter. Enfin, ils dénoncent l’abandon du consommateur à une politique de distribution alimentaire oublieuse du principe de précaution et qui ne se soucie pas des conséquences sanitaires. Ils résistent à l’emprise grandissante de l’OMC qui ne connaît ni le principe de précaution, ni aucune contrainte éthique ou sociale.
Les collectifs locaux de faucheurs volontaires d’OGM s’organisent par région et par département. Le mieux serait qu’ils se présentent publiquement pour affirmer le caractère citoyen de cette résistance légitime et attirer d’autres volontaires et d’autres soutiens.
Les nombreux rassemblements qui ont eu lieu notamment à Menville, dans la région de Toulouse, ou à Marsat et Greneville, en Beauce, étaient à l’initiative des « faucheurs volontaires ». Bien qu’ATTAC n’ait pas appelé à participer au fauchage, nombre de groupes locaux ont répercuté l’information auprès des adhérents, qui à titre personnel, ont soutenu l’action des Faucheurs Volontaires.
Même si les Faucheurs Volontaires sont ensuite jugés, cela se finit par une victoire, comme à Toulouse, où 9 d’entre eux furent inculpés pour l’action du 25 juillet en Haute-Garonne. Ce procès aboutit à une victoire hautement symbolique de la société civile. Il a en effet pu prendre une allure totalement inédite, grâce à la volonté de 224 Faucheurs d’assumer leur responsabilité individuelle dans l’action collective, en allant jusqu’à se dénoncer comme co-auteurs et demander à comparaître volontairement devant la justice.
A Riom, 167 personnes en ont fait autant. En accédant à leur demande, contre l’avis du Parquet, les tribunaux de Toulouse et de Riom sont en train de créer une jurisprudence qui reconnaît la dimension collective de la désobéissance civique. Les décisions du tribunal correctionnel représentent une avancée importante qui donne la possibilité de créer du droit en matière de responsabilité collective.
Aux vues des résultats des procès de Toulouse et de Riom, le débat public sur les OGM, demandé par tous, ne pourra plus être occulté. Quels que soient les modalités et les résultats des prochains procès, le jugement se fera non seulement sur le fond mais également dans un cadre où, dorénavant, les médias et le public se sentiront interpellés. Désormais nous ne pouvons plus faire comme si « la population et les citoyens n’avaient que la passivité inquiète et inactive comme seule attitude possible ». La découverte la plus précieuse est alors qu’ « aucun gêne ne prédispose au fatalisme et à la passivité ». Il ne sera plus possible, après une action collective, quel qu’en soit le domaine, de n’inculper que quelques personnes, comme cela était jusqu’à présent pratiqué. Une brèche légale est maintenant ouverte, où l’ensemble du mouvement social peut s’engouffrer pour la préservation du bien commun.
Arielle et Anne (Toulouse)