Un bilan de campagne chez les Jeunes

Le vote des 18-25 : enjeux, résultats et perspectives.
Décembre 2004, les premiers sondages donnent 85 % des 18-25 ans pour le OUI (le NON est à moins de 30 % pour l’ensemble des sondés). 29 mai 2005, plus de 60 % des 18-25 ans ont voté NON.

 I. Les enjeux

Le « jeunisme » simpliste n’a pas sa place ici, car effectivement « la jeunesse n’est qu’un mot ».
Mais le vote des 18-25 ans est un fait politique en tant que tel, et sur ce référendum, c’était un enjeu décisif. Pour les raisons suivantes :

  • notre génération est pro-européenne : elle est née et a grandi avec l’Europe, et a toujours considéré l’Europe comme une évidence. Elle n’a pas eu besoin, comme d’autres, de se convaincre d’être proeuropéenne...
  • le vote des 18-25 ans est le vote de ceux qui auraient vécu « pendant 50 ans » avec la Constitution ;
  • la symbolique du vote des 18 - 25 est donc immense.

Laisser les partisans du OUI s’approprier la symbolique du vote des 18-25 ans leur aurait permis de s’attirer la sympathie de nombreux hésitants et prendre un ascendant important dans le débat.
Imaginer tous les Pro-OUI répéter à l’unisson, sondages à l’appui, que les « Jeunes, vos enfants , vont voter OUI » suffit pour se convaincre de l’importance de cette symbolique, symbolique qu’ils n’ont pu, par chance, instrumentaliser comme ils l’entendaient.

Ils s’y sont pourtant essayés, et je ne donne que quelques exemples :

  • Chirac et sa Chirac Académie du 14 Avril ;
  • Raffarin et son tour des écoles de commerce ;
  • Sarkozy et son meeting au palais des Sports devant 5000 Jeunes UMP
  • les socialistes du OUI avec leurs diverses caravanes de Jeunes sillonnant la France, préférant les
    médias aux débats contradictoires.

Les partisans du OUI ont échoué. Par maladresses, erreurs politiques, mais aussi en raison de la
mobilisation des organisations de jeunesse progressistes et par le caractère pro-européen du vote NON.

 II. Les jeunes ne sont ni aux ordres de la Télé-Peyrefitte ni de la Chirac Académie

Le NON passe en tête dans les sondages début mars, sans qu’il ne devienne majoritaire chez les 18-25 ans, qui reste un bastion pour le OUI (de manière très large chez les étudiants et les diplômés du supérieur). Les OUIstes s’agitent, notamment en tentant d’instrumentaliser la symbolique de notre vote.

1. D’erreurs de casting en maladresses les plus diverses

Sans être long, il suffit de rappeler le fiasco de la Chirac Académie du 14 Avril (présentateurs pipo, papi Chirac parle aux jeunes, jeunes sélectionnés pour ne pas connaître le texte, les jeunes qui en définitive sont assez cinglants, Chirac dit n’importe quoi,...) pour se rendre compte que la première tentative est un échec flagrant, échec qui permettra d’empêcher de nouvelles grandes opérations marketing à notre encontre.
Les tentatives de propagande institutionnelles (sets de table dans les Resto Universitaires, financement large des amphis d’Europe où il n’y a bien souvent personne,...) ne fonctionnent pas.
Raffarin ne convainc personne lorsqu’il visite les jeunes bien particuliers que sont les élèves d’école de commerce, tandis que Sarkozy est plus proche de la mise en place de son comité de soutien pour 2007 que de la campagne référendaire.
Les caravanes des Jeunes Socialistes pour le OUI, malgré leur médiatisation (départ avec Aubry et Delors à Lille, arrivée avec Delanoé et Hollande à Paris en grande pompe) n’ont pas touché grand monde et n’ont pas eu grand effet pour les raisons suivantes :

  • elles arrivent tard, alors que les médias sont déjà largement discrédités par le tra itement
    partisan de la campagne ; leur écho médiatique (le seul objectif véritable... ) sur les jeunes électeurs est
    donc limité ;
  • la campagne pour le NON du MJS lors du référendum interne au PS et l’appel des jeunes socialistes européens contre la Constitution ont, en amont, prémuni l’électorat sympathisant et proche du PS de cette instrumentalisation ;
  • last but not least, notre appel de 200 Jeunes, et surtout la campagne unitaire menée sur les campus et ailleurs ont commencé à faire effet, sans parler du travail de terrain « non ciblé jeunes ».

2. Notre campagne pour le NON

Aparté : le mouvement lycéen a bien-entendu joué un rôle majeur - comme tous les autres mouvements sociaux du printemps - dans la campagne référendaire et dans la montée du NON, notamment chez les 18-25 ans. Mais n’ayant pas été un acteur majeur de ce mouvement - vu mon âge avancé :-) - je préfère laisser le soin à d’autres d’en mesurer l’influence.

Se sont regroupées autour d’un même appel la très grande majorité des structures progressistes (Associations, syndicats et organisations politiques) présentes dans la jeunesse, excepté la JOC et ses déclinaisons, qui ne souhaitaient pas engager leurs structures. Rendu public le 23 mars, notre appel commun nous a permis de mener une campagne de manière unitaire, d’insuffler des collectifs unitaires sur les facs là où il n’y en avait pas, et de donner une « visibilité » nationale pour tous.
En plus du lancement de l’appel et du fait qu’il soit relayé largement, les communiqués et autres initiatives qui ont permis de décrédibiliser la Chirac Académie, de dénoncer les intrusions institutionnelles pour le OUI sur les facs, de s’indigner face aux refus de salle sur certaines facs, ont rendu effectif l’existence de cette campagne unitaire. Sans parler bien-entendu des dizaines de réunions publiques qui ont eu lieu sur les facs et de toutes les initiatives prises pour convaincre les jeunes « non-étudiants » de voter NON.

3. Le caractère pro-européen du vote NON de gauche

Le caractère pro-européen du NON de gauche est à la fois cause et conséquence du lent positionnement des 18-25 ans contre ce traité.
Notre génération est pro-européenne, autant parce qu’elle a du ingurgiter des tonnes de manuels d’histoire saluant sans aucun état d’âme la construction européenne, que parce qu’elle est convaincue de l’absolue nécessité de la poursuite de l’intégration politique de l’Union européenne.
Ainsi 80 % des 18-25 ans disent que l’Europe est une chance pour eux (sondage CSA paru début mai). Tout en étant au même moment près de 50 % à vouloir voter NON. Ce sondage fut très important par l’absence d’instrumentalisation qui en a été faite. Il suffit d’imaginer que les intentions de vote des 18-25 ans pour le NON furent au même moment inférieures à 45 % pour se rendre compte que la machine infernale du OUI (l’alliance médiatico-institutionnelle autour des partisans politiques du OUI) aurait instrumentalisé ces chiffres, sans aucun scrupule mais d’une manière très efficace.
Du coup, les partisans du OUI n’ont pu étayer leur terrible, et répété à satiété, « vous n’avez pas
le droit de vous dire pro-européen et voter NON » par de tels sondages. Cette mise en garde, notamment chiraquienne, a pu alors paraître ridicule. Pour deux raisons, qui se rejoignent :

  • parce que la très grande majorité des partisans du NON de gauche n’ont cessé de rappeler que
    leur vote était un vote pro-européen, pour une autre Europe ;
  • parce que les Jeunes n’avaient pas l’intention de voter OUI de manière large...
    Au final, le caractère pro-européen du NON de gauche a pu à la fois alimenter et être le résidu des intentions de vote grandissantes des 18-25 pour le NON.

 III. Quels enjeux ; quelles perspectives ?

Je ne rentrerai guère dans les considérations politiques et stratégiques, qui relèvent d’une logique collective et qu’il faut se donner le temps et les moyens de produire de manière large et inclusive.

1. Le caractère unitaire de la campagne autour de l’appel des 200 Jeunes

Cela faisait longtemps qu’autant de structures, différentes et pas toujours en accord, se retrouvaient autour d’une même campagne, et autour d’un appel commun. N’en faisons pas plus qu’il n’en faut, cette campagne n’a pas été exceptionnelle, elle connut quelques remous, mais regardons d’où nous venons... cela faisait vraiment très longtemps que nous ne nous étions pas retrouvés, au niveau national, de manière si unitaire chez les Jeunes.
Des structures ont de nouveau appris à travailler ensemble, ce qui n’était vraiment pas gagné d’avance. Il me semble qu’il faut s’attacher à faire vivre ces acquis, en respectant nos différences et notre diversité, avec deux objectifs majeurs : participer à la repolit isation d’une classe d’âge dont on connaît son faible intérêt pour « la politique » ; s’impliquer de manière commune sur un certain nombre de campagnes, notre diversité étant notre force, pour être plus efficace et dynamique.
Cette campagne unitaire s’est déclinée au niveau local, de manière efficace, et les collectifs existants, si chacun respecte leurs origines et les objectifs qu’ils se sont assignés, sont sans doute l’occasion de confronter et rapprocher les analyses et les pratiques pour les échéances, notamment européennes, à venir.

2. Notre NON exige une autre Europe

Au final, alors que 80 % des 18-25 ans pensent que l’Europe est une chance pour eux, et affirment ainsi leur caractère pro-européen, plus de 60 % ont voté NON. Il ne s’agit donc pas d’un refus de la Construction européenne, mais de l’exigence affirmée d’une autre Europe, démocratique, sociale, solidaire et écologique.
A ce jour (mercredi 1er juin), les premiers bilans tirés tant par les grands médias que par les partisans du OUI (et notamment par leur chef de file Jacques Chirac) ne laissent rien augurer de ce type. La stigmatisation d’un vote de repris frileux anti-européen se poursuit tandis qu’on ne tire de bilans politiques que sur le plan intérieur, sans remettre en cause les politiques libérales menées par l’Union européenne. Il faudrait que chacun prenne conscience que l’UE n’est pas une entité politiquement
neutre et qu’on peut être pro-européen - mais contre les politiques libérales actuelles - sans que la machine infernale du OUI se permette de qualifier 55 % des électeurs de xénophobes et nationalistes.
Cela est répugnant.
Parce que notre NON exige une autre Europe, et parce que le vote des 18-25 ans n’a rien d’antieuropéen, il me semble que toutes les forces politiques engagées pour défendre un NON de gauche proeuropéen doivent pouvoir s’appuyer sur le caractère profondément européen des 18-25 ans et leur rejet
catégorique de cette Constitution libérale et anti-démocratique.

Le mercredi 1er juin

Maxime Combes

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