Argumentaire pour une régularisation globale

Argumentaire pour la régularisation globale de toutes et tous les Sans papiers !!!

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Pourquoi une régularisation globale des Sans Papiers maintenant en France et dans le monde est-elle juste et nécessaire ?

I - Les Sans Papiers ne sont pas ici par hasard mais parce que les politiques de la France et des autres pays d’accueil les « fabriquent » :

En France, quelques 28 modifications de l’ordonnance du 2 novembre 1945 sont venues restreindre une libre circulation avantageuse pour la France. Sous prétexte de « fermeture des frontières », par l’imposition de visas et la restriction croissante de leur délivrance, ces lois ont mis fin aux anciens mouvements « pendulaires » de migrants évoluant librement entre la France et un certain nombre de pays d’origine, qui jamais ne furent vécus comme une « invasion ».

Le phénomène actuel du « contournement » n’est pas nouveau et l’histoire nous enseigne que ce fut d’abord le sort des « limites extérieures » de l’empire romain aussi bien que la « grande muraille » de Chine. Dans l’Europe contemporaine toute entière, le choix croissant de n’admettre que les immigrés les plus qualifiés ne laisse d’autre choix aux « exclus » que de contourner la réglementation, pour tenter de survivre dans un monde chaque jour plus inégal.

Les politiques de « contrôle » des frontières - essentiellement fondées sur des mesures « de police » - loin de parvenir à décourager les candidats au départ, font d’eux des migrants « illégaux » et « sans papiers », dont les droits sont bafoués d’un bout à l’autre de la chaîne migratoire. Cette situation contrevient de façon flagrante aux dispositions de la « Convention internationale (Nations Unies) pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants (« légaux » et « illégaux ») et de leurs familles ». Il n’est guère étonnant que pas un seul pays dit « d’accueil » de migrants ne soit aujourd’hui signataire de cette convention, ratifiée par 34 pays du « Sud ».

II - L’ « Invasion » : un fantasme infondé

Actuellement, environ 3% de la population mondiale, soit près de 200 millions de personnes, se trouvent hors de leur pays de naissance. Il s’agit dans leur immense majorité de migrations « Sud / Sud ». 55% des personnes en situation d’immigration ont quitté un pays pauvre pour un autre pays du « Sud » un peu moins pauvre. C’est ainsi que l’on compte 30% d’étrangers en Côte d’Ivoire, 3 millions de réfugiés en Iran, 2 millions au Pakistan...

Le concept d’invasion / appel d’air repose sur la fausse analyse selon laquelle la misère économique serait la principale cause des migrations. Il n’en est rien car les causes des migrations sont infiniment plus complexes. Tous les habitants d’une même région, d’un même pays, d’une même province... ne partent pas. Ce ne sont pas les plus pauvres qui partent. L’essentiel des migrations « de masse » résulte de situations de guerre - reconnues ou non - de conflits et d’effondrements politiques, restant confinées, à quelque 90%, dans les pays du Sud.

Dans certaines régions prédominaient au siècle dernier des « circuits » d’émigration en direction notamment de France, dont le point de départ se trouvait par exemple au Mali, dans la région de Kayes (bassin du fleuve Sénégal) ou en Chine, dans le district de Wenzhou (province de Zhejiang), à la fois plus développé économiquement que les régions limitrophes et, l’un des premiers, ouvert aux investissements étrangers.

Ceci est à rapprocher de migrations européennes qui virent de nombreux natifs de la commune française de Gourin (Morbihan) essaimer avant 1914 vers le Canada et les Etats-Unis, ou encore de Barcelonnette émigrer en nombre vers le Mexique. De nombreux européens ont également émigré aux 19ème et 20ème siècle, vers le « Nouveau Monde » aussi bien que vers l’Australie, la Nouvelle Zélande...

Avant la « fermeture » des frontières françaises de 1974, loin de toute invasion ou « déferlement », les « sergents recruteurs » des grandes entreprises automobiles, sidérurgiques ou minières durent se rendre dans les pays d’origine, en mission de « racolage » des travailleurs sur place. La famine de 1971 au Sahel n’a déclenché aucun déferlement de populations réfugiées. L’entrée du Portugal et de la Grèce dans l’Union Européenne ne donna lieu à nul mouvement migratoire massif en Europe et les émigrés de ces nationalités retournèrent nombreux dans leur pays d’origine. Un certain nombre d’exemples historiques démontrent la capacité d’absorption et d’installation de nombreux pays face au mouvement migratoire d’un groupe important de population « revenu au pays », même lorsque les conditions matérielles de l’accueil ne sont pas toujours au rendez-vous : ainsi en a-t-il été du retour de 1, 2 millions de « Pieds-noirs » en France en 1962 ou de l’émigration russe en Israël après le chute du mur de Berlin en 1989.

Le nombre cumulatif des Sans Papiers actuellement présents en France se situerait, selon différentes évaluations, entre 300.000 et 500.000. L’OCDE, de son côté, évalue à quelque 500.00 le nombre annuel des entrées sur le territoire de l’UE. De tels chiffres mettent en lumière une double évidence. D’une part, la fermeture des frontières est illusoire et n’arrête pas l’entrée de celles et ceux qui sont déterminés - sur la base de décisions individuelles, ou collectives - à « tenter leur chance ». D’autre part, le fantasme de l’invasion est très loin d’être justifié. L’Italie semble en apporter la démonstration : alors qu’en 2003 ce pays a régularisé de l’ordre de 634.000 immigrés sans papiers, les arrivées irrégulières ont baissé d’elles-mêmes de 40% en 1 an (de 23.719 en 2002 à 14.331 en 2003 (Le Monde 3-02-2004).

Si la réalité est loin de correspondre aux fantasmes de « l’invasion », les gouvernements font alors le choix de recourir à la stigmatisation pour entretenir un climat permanent de peur à l’égard des migrants (immigrés = insécurité) . Mais, si l’on souhaite évoquer l’insécurité globale pesant sur nos sociétés, il faut alors en considérer toutes les véritables causes, en particulier celles liées à la dégradation grave de l’ environnement, de l’ économie et du travail, de la solidarité nationale, de la santé...

III - Les étrangers, même lorsqu’ils sont sans papiers, consomment, produisent et contribuent à la croissance et à l’emploi, comme toutes les autres catégories sociales.

Si cette affirmation peut s’appliquer à l’ensemble des pays d’accueil de migrants, le cas contrasté et décrié de l’Espagne vient de faire l’objet d’un rapport-choc dont les constats et prévisions peuvent en surprendre plus d’un. Selon Miguel SEBASTIAN, chef du Bureau Economique mis en place à son arrivée par le président du Gouvernement espagnol, Miguel ZAPATERO, l’arrivée massive de 3 millions d’étrangers depuis l’an 2000 en Espagne a représenté la moitié de la croissance économique totale du pays (calculée à 3,6% de moyenne annuelle, puis 3,9% au 3° trimestre 2006 et pronostiquée désormais à 4%). Cela signifie 623 euros en cinq ans de hausse du revenu par habitant, essentiellement du fait de la création - entre 2001 et 2005 - de 2, 63 millions d’emplois, partagés à moitié par les nationaux et les étrangers. En 25 ans, à ce rythme, l’Espagne devrait rattraper la moyenne de revenus de l’Europe à 25.

Sur le plan démographique, au lieu de la diminution attendue de 25% de la population, le taux de croissance a été, en 5 ans, de 1,5% par an. La population totale de 44 millions d’habitants comprend environ 4 millions d’immigrés. Selon Miguel SEBASTIAN, 200.000 nouvelles arrivées par an constitueraient un chiffre raisonnable. Contrairement aux craintes, les comptes publics ont été largement bénéficiaires de la présence des immigrés qui représentent 8,8% de la population de l’Espagne mais seulement 5,4% de la dépense publique totale (soit 18.618 millions d’ euros), 4, 6% des dépenses de santé et 6,6% de celles d’éducation. Leur apport aux caisses de l’Etat est de 6,6% du total, c’est à dire de 23.402 millions d’euros. Ils sont donc contributeurs nets pour un montant de 4, 783 milliards d’euros, soit la moitié de l’excédent total de l’ensemble du secteur public. C’est particulièrement flagrant dans le domaine des retraites auquel ils contribuent à hauteur de 7,4% du total des cotisations tout en n’en percevant actuellement que 0,5%, ce qui devrait se poursuivre jusqu’en 2030.

L’arrivée de migrants, avec une proportion massive de femmes et leur contribution au secteur familial, a augmenté la population active (en particulièrement le nombres de femmes occupant un emploi) et réduit les taux de chômage. En moyenne, la main d’œuvre étrangère est mieux formée que la main d’œuvre nationale espagnole. Cependant, il en va différemment des plus jeunes. Et, à l’encontre de la vision utilitariste de l’Union Européenne, selon laquelle ne saurait être admise qu’ une immigration « qualifiée » ou « hautement qualifiée », 38,5% des nouveaux postes de travail occupés par des immigrés le sont par des personnels non qualifiés. (El Pais, 16 novembre 2006, Le Monde, 21 novembre 2006).

IV - Les migrations aujourd’hui :

Lorsque prédominent les causes économiques, on ne constate pas de départs massifs de tous les pays pauvres. Un paysan malien ou mexicain préférera toujours tenter d’autres solutions de survie au plus près de chez lui. C’est en fonction des situations nouvelles, générées en particulier par la mondialisation des échanges et la fermeture des frontières, que se créeront de nouveaux courants migratoires.

Un exemple est à ce titre éloquent. Dès la décennie 1990, des cris d’alarmes sont lancés et des mobilisations organisées contre la destruction des pêches artisanales de la côte ouest de l’Afrique (du Maroc au golfe de Guinée) par la surpêche croissante des gros chalutiers dans les eaux internationales. Puis viennent les accords de pêche entre l’Union européenne et un certain nombre d’Etats du continent africain, dont l’un des derniers en date, avec la Mauritanie (note de la Délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union Européenne), vient de fait accélérer la décomposition du secteur économique. A l’automne 2005, après les tragédies de Ceuta et Melilla, ce phénomène entre en interaction avec l’émigration massive vers les Canaries comme porte d’entrée en Espagne et dans l’Union Européenne. Après la mise hors circuit des « pateras » marocaines par une action policière intensive hispano-marocaine, les patrons de pêche artisanale de Nouabibou se voient réduits à l’inactivité. Leurs pirogues, les « cayucos », restent échoués sur les plages (tous comme les « lothios » de leurs homologues sénégalais plus au sud). Les patrons pêcheurs se transforment en « passeurs » puis racoleurs des candidats au départ vers les Canaries. De nouvelles pirogues sont construites. Des milliers de partants trouvent une mort tragique dans ces traversées du désespoir tandis qu’accostent des vagues croissantes de candidats au départ vers l’Europe. A Dakar (Sénégal), sur les 10 premiers mois de 2006, la gendarmerie sénégalaise, appuyée par la nouvelle Agence Européenne FRONTEX, a « arrêté 3.394 « clandestins » (dont 200 non sénégalais), 69 passeurs ou convoyeurs, saisi 68 pirogues, 40 moteurs hors-bord, l’équivalent de 60.000 euros et 38.000 litres de carburant ». (Le Monde 23 octobre 2006). Selon autorités marocaines, trente mille candidats au passage se sont pressés en 2005 sur les barrières de Ceuta et Melilla. Pour les trois premiers trimestres 2006, les autorités Espagnoles mentionnent quelque 28.00 débarquements aux Canaries.

La cause des départs n’est pas seulement ni principalement la misère mais la « désespérance ». C’est contre ce gâchis de l’émigration « clandestine » que se bat à mains nues le collectif des mères sénégalaises de Thiaroye-sur-Mer (près de Dakar), tout en s’efforçant de développer des activités économiques de substitution.(Le Monde, 12 octobre 2006). Cette désespérance est également liée à l’état de sociétés minées par la corruption et la dictature - bien aisément tolérées, quand ce n’est pas encouragées, par les pays du Nord - où nul ne peut s’imaginer un avenir ni même une « survie » prévisibles. Dans ce contexte, jamais les accords entre Etats des pays d’origine et de destination n’ont exercé la moindre influence sur les décisions migratoires individuelles. Celles-ci sont prises, aujourd’hui comme hier, essentiellement dans le cadre de la très ancienne « liberté d’aller et de venir » conquise de haute lutte par les esclaves et les serfs des siècles passés.

Globalement, les facteurs favorisant les migrations évoluent : les candidats au départ doivent disposer de ressources « mobilisables » pour emprunter des « filières » très diversement « organisées » et toutes renforcées par une « fermeture des frontières » qu’il faut bien contourner et qui ne peuvent que renforcer le pouvoir des réseaux criminels. Les départs vers les pays du Nord nécessitent le plus souvent un certain capital économique, (le coût du voyage Chine-France de 12.000 à 18.000 euros a pratiquement doublé en 5 ans), culturel et professionnel. Les réseaux établissent leur pouvoir sur des candidats à l’immigration illégale qui arrivent essentiellement aujourd’hui non seulement d’Afrique sub-saharienne mais aussi de Chine, du Sri Lanka, du Pakistan, de l’Est de la Turquie, d’Asie centrale, en fait « un bon plan pour les passeurs » qui maintiennent les migrants illégaux Papiers en véritable « servitude » dans le pays d’arrivée jusqu’à remboursement du coût astronomique du voyage (Le Monde 21 novembre 2006)

Autre facteur contribuant à la croissante régulière mais lente des migrations internationales, la diminution du coût des transports. Enfin, sans doute n’est-il pas inutile de rappeler que les écrans de télévision du monde entier non seulement colportent le spectacle d’insupportables inégalités Nord / Sud et Est / Ouest de la planète mais aussi présentent une vision déformée et trompeuse de l’ « Occident » qui en acquiert un pouvoir d’attraction irrésistible.

V - Rien ne sert de tenter de se « voiler la face » : tant le phénomène de développement économique que les politiques ultralibérales, liées à la mondialisation des échanges, ne peuvent qu’amplifier - à moyen terme au moins - les migrations au niveau mondial.

Il se dit de plus en plus qu’il faudrait favoriser le « co-développepent » pour permettre aux immigrés de rester chez eux, évitant ainsi qu’elles et ils n’abordent nos rivages, nos frontières et nos aéroports. Une première erreur consiste dans l’utilisation du mot co-développement dans une double acception qui le rend des plus ambigus. Le terme est parfois utilisé pour signifier, bien à tort, la contribution au développement du Sud par le Nord riche. Il désigne surtout, à juste titre, la contribution des immigrés eux-mêmes au développement de leurs communautés et/ou pays d’origine. Cet apport, au niveau mondial, dépasse largement le montant de l’Aide publique au développement dont les Nations Unies ont décidé en 1970 qu’elle devrait atteindre 0, 7% du PNB. Chiffre loin d’être atteint 36 ans plus tard ! Entre 2000 et 2004, seuls le Luxembourg, la Suède, le Danemark (pour combien de temps ?) et les Pays Bas, ont atteint ou dépassé ce chiffre, la France se situant à 0,42% et les Etats-Unis 0,16 %.

Le développement, comme tel, ne saurait constituer une alternative à la migration. Au contraire, dans une première phase, le développement ne peut qu’amplifier le phénomène migratoire, en raison de la modernisation des infrastructures et des processus de production qui déstabilisent le fonctionnement des sociétés traditionnelles, sans pour autant pouvoir absorber les exilés des espaces ruraux. Se retrouver coupé de ses racines familiales et villageoises peut être décisif pour vouloir tenter l’aventure migratoire..

Les règles du jeu léonines du Marché mondialisé aggravent encore la situation des économies les plus fragiles des pays du « SUD » du monde » qu’il faut comprendre comme englobant toutes les économies dites périphériques, par opposition à un « Centre » développé.

Plusieurs phénomènes sont aujourd’hui en jeu au niveau planétaire :

  • la mort de l’agriculture de subsistance, des cours mondiaux non rémunérateurs, le réchauffement climatique... rendent inévitable une amplification de l’exode rural vers les grandes villes du « Sud » de la planète, déjà surpeuplées et sous-équipées ;
  • Selon les prévisions des géographes et urbanistes, il pourrait exister 36 mégalopoles mondiales en 2015 et les deux tiers de la population mondiale pourraient résider dans les « mégalopoles » à l’horizon 2.050.
  • Un phénomène d’extension disproportionnée de l’habitat précaire de type « bidonville », déjà à l’œuvre, ne pourra que s’étendre dangereusement à l’avenir.

On trouve concentrées là les principales causes de l’amplification inéluctable des migrations de demain. C’est déjà des grands bidonvilles urbains de certains des pays du Sud que partent actuellement un nombre croissant de migrants.

Or, les pays du Sud, et singulièrement les pays du continent africain, sont riches de matières premières et de ressources naturelles don t ils se retrouvent spoliés du fait de grandes sociétés multinationales :
mines d’or du Mali,
coopératives de production de cacao de Côte d’Ivoire,
maintient de prix non rémunérateurs pour le coton du Sahel par les subventions du « Nord » à ses propres productions (OMC),
spoliation de ressources en eau et de terres, soustraites aux habitants pour les mettre au service de l’exploitation minière/agricole sous contrôle étranger (exemple de l’Office du Niger, au Mali)
...

VI - En France, un véritable « Appel d’air » mais pas celui qu’on croit

Le premier appel d’air est constitué par l’offre permanente de travail illégal, trop souvent avec la tolérance/complicité des pouvoirs publics, comme le démontre le cas actuel de la blanchisserie industrielle MODELUXE de Chilly-Mazarin où 40 travailleurs illégaux ont été découverts à l’occasion d’un plan de licenciement.

Il convient aussi de d’insister sur l’article L-324-9 du Code du travail portant sur le travail illégal (mars 1997), sanctionnant les employeurs faisant « sciemment » travailler de la main d’œuvre illégale. Mais, évidemment, le recours à la chaîne de la sous-traitance permet aisément aux employeurs d’ignorer opportunément ce qui se passe derrière la/les société(s) écran.

Outre qu’un politique d’immigration « ouverte » permettrait de casser la rentabilité des réseaux qui alimentent le travail illégal et dissimulé, l’accroissement des moyens de l’Inspection du travail lui permettrait de mettre à jour exploitation et servitude sur les chantiers et dans les ateliers « clandestins ». Tel n’est pas le choix politique du jour, qui donne la préférence au renforcements successifs des grillages de Ceuta/Melilla aux limites Sud de l’Union Européenne, tandis que les Etats-Unis décident de construire 1.200 km de « mur » à la frontière mexicaine (coût minimal de 12 milliards de dollars).

De plus, l’ « interdiction » est désormais remplacée par l’utilitarisme migratoire tel qu’incarné dans l’ « immigration jetable » de la loi Sarkozy du 24 juillet 2006. L’armée laborieuse de réserve des sans papiers est mise en concurrence avec les salariés des pays dits d’accueil afin de saper les salaires et les acquis sociaux. De plus, le travail « au noir » en France équivaut à de réelles « délocalisations sur place ».

Peu à peu, Forums et mouvements sociaux se constituent et se renforcent au niveau mondial pour mettre en échec ces politiques de mise en concurrence sauvage, afin de les remplacer par des politiques de solidarité entre les peuples.

VII - « Ils et Elles sont là » : il faut en finir avec l’hypocrisie de la répression qui alimente l’exploitation des Sans Papiers !

Le refus de leur régularisation perpétue exploitation et insécurité pour les Sans Papiers, altère considérablement leur image aux yeux des autres citoyens, tandis qu’il se révèle honteusement profitable pour de nombreux secteurs économiques, bien souvent avec une semi-complicité de l’administration/de l’Etat ( comme dans le cas récent de l’Usine MODELUXE de Chilly-Mazarin).

L’illégalité des Sans Papiers de France, d’Italie, de Grèce, d’Espagne, du Portugal et d’ailleurs conviennent parfaitement aux secteurs fragiles et dérégulés de l’économie.

Enfin, leur renvoi massif ou l’obsession du « chiffre », thèmes manipulés à l’envi pas seulement lors des campagnes électorales, se révèle évidemment irréaliste car les gouvernements ne disposent (heureusement) pas de moyens matériels ou politiques suffisants pour les « jeter dehors », sauf à mettre en cause les droits fondamentaux de toutes et tous et entrer dans une logique totalitaire, destructrice de la démocratie pour toutes et tous.

VIII - De grandes Institutions, en France et dans le monde, ont entamé des études approfondies, récurrentes et convergentes sur les Migrations Internationales : Extraits de Rapports

En France :

Conseil Economique et Social-CES, Extraits de l’ Avis du 29 octobre 2003, rapporteur M. Michel Gevrey :
« ...Le présent avis, résolument placé dans les perspectives de l’immigration à l’ horizon 2020 [...] prend appui sur les réalités actuelles, se réfère aux travaux des experts et analyse les évolutions de la politique gouvernementale et leur traduction législative et réglementaire. En mettant l’ accent sur la dimension prospective, le Conseil économique et social ne cherche pas à fuir ses responsabilités. L’ éclairage du futur, en mettant en perspective le nouveau contexte de l’ immigration, en soulignant, pour notre pays et pour les pays d’ origine des immigrés, les enjeux qui seront ceux des prochaines générations...
... Si, pendant de nombreuses années, l’immigration en France a été essentiellement considérée dans notre contexte national, la question se situe désormais à partir des nouvelles perspectives d’ouverture résultant de la construction européenne et de la mondialisation. La mobilité des personnes, le creusement des inégalités entre les pays dits riches et les autres, ces pays du Sud touchés par les effets cumulatifs des insuffisances de leur développement, le poids de la dette, leur fréquente instabilité économique et politique, les effets de phénomènes climatiques ou autres sont autant d’éléments fondamentaux à prendre en considération...
...Aux situations antérieures succèdent de nouvelles problématiques qui fondent les transformations sociales, économiques, culturelles, géopolitiques, les nouvelles donnes de l’ activité professionnelle, les perspectives démographiques qui, en Europe, influent sur l’ avenir collectif à l’ horizon 2020.
Il s’agit pour la France de se donner la capacité d’ organiser et de « positiver » un flux maîtrisé d’ immigration et d’ en faire un atout dans un monde ouvert. »

Dans le Monde :

Organisation Internationale du Travail - OIT : Extrait du Rapport N° VI de la 92e session, 2004 de la Conférence Internationale du Travail « Une approche équitable pour les travailleurs migrants dans une économie mondialisée »
« 1. A sa 283e session, en mars 2002, le Conseil d’administration du BIT a décidé d’inscrire la question des travailleurs migrants à l’ordre du jour de la 92e session (2004) de la Conférence internationale du Travail pour discussion générale, sur la base d’une approche intégrée. La discussion portera sur les points suivants :
a- les migrations internationales de main-d’oeuvre à l’ère de la mondialisation ;
b- les politiques et structures en vue d’une meilleure régulation des migrations pour l’emploi ;
c- l’amélioration de la protection des travailleurs migrants par l’action normative.
2. Cette décision est d’autant plus pertinente que l’accélération des mouvements transfrontières de main d’oeuvre est aujourd’hui au centre des préoccupations de la communauté internationale.
Les questions relatives à la migration figurent en première place dans les recommandations de deux rapports mondiaux, le rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation et le rapport de la Commission sur la sécurité humaine.
Cela reflète bien la mobilisation croissante de la communauté internationale en faveur d’un nouvel ordre mondial en la matière. En 2003, deux initiatives indépendantes, la Déclaration de La Haye sur l’avenir de la politique en matière de réfugiés et de migrations, de la Société internationale pour le développement (Chapitre Pays-Bas) et l’Initiative de Berne du gouvernement suisse, ont aussi prôné le partenariat pour l’intégration des principes humanitaires dans la gestion des migrations.
Au début de 2004, la Commission mondiale sur les migrations internationales a été créée à l’initiative de plusieurs gouvernements 1. En 2006, le dialogue de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sera consacré à la question des migrations et du développement... »

L’ OIT a adopté deux conventions internationales importantes relatives aux travailleurs migrants :
Convention no 97 : convention (nº 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949 ET Convention no 143 : convention (nº 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975.

Division de la Population des Nations Unies : Extrait du Rapport 2002
« L’une des caractéristiques fondamentales des êtres humains est qu’ils se déplacent. Le droit de circuler a été reconnu au niveau mondial il y a plus d’un demi-siècle lors de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il y est stipulé à l’article 13 que « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État » et que « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».

Comme on l’a noté à la Conférence internationale sur la population et le développement tenue en 1994, des migrations internationales ordonnées peuvent avoir des effets positifs sur les pays d’origine et les pays d’accueil. Elles offrent également la possibilité de faciliter le transfert des compétences et de contribuer à l’enrichissement culturel.

Aujourd’hui le nombre de gens résidant en dehors de leur pays natal atteint le chiffre record d’environ 175 millions, plus du double du chiffre d’il y a une génération. La grande majorité des migrants apportent des contributions importantes à leur pays d’accueil. Mais, dans le même temps, les migrations internationales entraînent la perte de ressources humaines dans les pays d’origine et peuvent susciter des tensions politiques, économiques ou sociales dans les pays de destination.

La question des migrations internationales, avec son ensemble complexe de causes et de conséquences démographiques, sociales, économiques et politiques, s’est placée à l’avant-scène des agendas nationaux et internationaux....
... certaines des principales conclusions [du rapport] :
Environ 175 millions de personnes résident dans un pays autre que leur pays natal, ce qui représente quelque 3 % de la population mondiale. Le nombre de migrants a plus que doublé depuis 1970*. Actuellement, 60 % des migrants dans le monde résident dans les régions développées et 40 % dans les régions moins développées. La plupart des migrants vivent en Europe (56 millions), en Asie (50 millions) et en Amérique du Nord (41 millions). La proportion de migrants vivant dans les régions développées est de près de 1 sur 10, tandis que dans les pays en développement cette proportion est de près de 1 sur 70.
Dans les 10 années écoulées entre 1990 et 2000, le nombre de migrants dans le monde a augmenté de 21 millions de personnes, soit 14 % (voir tableau 1 ci-dessous). La croissance totale nette du nombre de migrants s’est produite dans les régions développées. L’Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon ont enregistré au total une augmentation du stock de migrants de 23 millions de personnes, soit 28 %. Le nombre de migrants en Amérique du Nord a augmenté de 13 millions (48 %) au cours des 10 dernières années, tandis que la population migrante en Europe augmentait de 8 millions, soit 16 %. Par contre, dans les régions moins développées, la population migrante a diminué de 2 millions au cours de la période 1990-2000. Le nombre de migrants résidant en Amérique latine et dans les Caraïbes a baissé d’un million, soit 15 %.
Juste dans les cinq années entre 1995 et 2000, les régions développées du monde ont reçu près de 12 millions de migrants venant des régions moins développées, soit un chiffre estimatif de 2,3 millions de migrants par an. L’augmentation la plus importante s’est faite en Amérique du Nord, qui a absorbé 1,4 million de migrants par an, suivie par l’Europe avec un gain annuel net de 800 000 et par l’Océanie avec une augmentation nette plus modeste de 90 000 migrants par an ».

Commission Mondiale sur les Migrations Internationales - GCIM :
Extrait de Communiqué de presse du 5 octobre 2005 :
« La Commission mondiale sur les migrations internationales, qui présente aujourd’hui son rapport au Secrétaire Général des Nations Unies, K.ANNAN, et aux Etats membres des NU, déclare que la Communauté Internationale a échoué à comprendre le potentiel des migrations internationales et n’a pas su apporter aux chances et défis nombreux qu’elles présentent une réponse adéquate. Il faut faire preuve de davantage de cohérence, de coopération et d’efficacité pour permettre une gestion plus effective des migrations aux niveaux national, régional et mondial.
La Commission propose un Cadre d’action Complet et cohérent au niveau mondial, fondé sur six grands principes, ainsi qu’un certain nombre de recommandations couvrant le rôle des migrants sur un marché du travail en cours de mondialisation, les migrations irrégulières, mes migrants dans la société, les droits de l’Homme des migrants et la gestion des migrations.
Le Rapport de la Commission précise que le nombre de migrants internationaux est passé de 75 millions à près de 200 millions au cours des trente dernières années et que l’on peut trouver des migrants aujourd’hui partout dans le monde. Il semble certain que ce phénomène poursuive sa croissance ou même s’accélère dans un avenir prévisible, du fait des disparités croissantes entre régions du monde en matière de développement, de démographie et de démocratie ».

IX - En conclusion : la régularisation des Sans Papiers ne peut qu’être globale

Toute tentative de régularisation par sélection des immigrés sans papiers, sur la base de « critères » la plupart du temps cumulatifs, ne peut qu’être qu’injuste et arbitraire. De plus, la régularisation « sur critères » aussi bien que celle « au cas par cas » laissent hors champ des droits fondamentaux les éléments les plus fragiles et précarisés de la population.

Seule la régularisation globale est de nature à « assécher » provisoirement le marché du travail illégal, à la différence des régularisations au cas par cas.

Dans le cas précis des régularisés de 1997 en France, il pu être observé que nombre de « régularisés » perdirent leur emploi illégal antérieur, par refus de leur employeur d’assumer le coût des charges sociales ou un salaire supérieur, ce que facilita une offre de main d’ouvre « au noir » abondante. Les nouveaux régularisés se retrouvèrent finalement plus précaires et moins payés, ce qui a également fragilisé le renouvellement de leur carte temporaire.
C’est pour ces motifs qu’ il apparaît indispensable de réclamer une régularisation avec délivrance de la « carte de 10 ans », ouvrant sur une complète Egalité des droits.
.
La régularisation globale est une mesure qui apure le passé. Mais qu’en est-il de l’avenir ?
Si des régularisations ont eu lieu en Italie et en Espagne environ tous les 10 ans, la question de la régularisation débouche véritablement sur la question plus large de la liberté de circulation, étant également entendu que les deux débats sur « circulation » et « installation » sont, de fait, difficiles à dissocier.

L’immigration n’est, au fond, ni une « question » ni un » problème »
c’est un fait à connaître et reconnaître,
des droits fondamentaux à respecter,
des solidarités à développer !

(Paris, 10 décembre 2006 :
58ème anniversaire de la proclamation à Paris de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme par les Nations Unies)

P.-S.

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