Le Monde que nous prépare l’OMC

 Le Monde que nous prépare l’OMC

Créée le 1er janvier 1995, l’Organisation
Mondiale du Commerce
(OMC) s’occupe aujourd’hui de
tous les sujets ayant trait au commerce
mondial.

Au moins tous les deux ans, les États et
les Unions douanières membres de l’OMC
(148 États sont à ce jour membres de
l’OMC) se rencontrent pendant quelques
jours lors d’une Conférence interministérielle.
Après Singapour (1996), Genève
(1998), Seattle (1999), Doha (2001) et
Cancùn (2003), Hong-Kong accueille cette
année, du 13 au 18 décembre, la 6ème
Conférence interministérielle de l’OMC.
Étape importante de la marchandisation
progressive de la planète, cette réunion doit
conclure le cycle des négociations lancé à
Doha en 2001, appelé « Cycle du développement
 ». Produits agricoles et services
sont dans le viseur des libéraux qui souhaitent
déréglementer et déréguler ces
marchés.

  Les produits agricoles

Pour les produits agricoles, il s’agit de diminuer
progressivement les quotas à
l’importation ainsi que les barrières tarifaires
(droits de douane) afin que les zones géographiques
les plus « performantes » (pour
lesquelles les prix de revient sont les plus
bas) se spécialisent dans ces productions et
se chargent d’exporter vers les autres régions
du monde, lesquelles peuvent alors se
spécialiser dans d’autres productions et ainsi
gagner en efficacité en diminuant à leur
tour leurs prix de revient.
L’objectif est simple : que chaque pays
se spécialise dans les domaines dans lesquels
il dispose d’un avantage comparatif
[cf. précisions p10] et l’ensemble des pays
bénéficieront des échanges marchands qui
accompagnent cette spécialisation internationale
du travail.

A ce modèle théorique, nous opposons
quelques objections :

  • ce modèle ne reconnaît pas le
    principe de souveraineté alimentaire (le droit
    pour chaque territoire de produire en priorité
    pour sa population et de ne pas dépendre
    pour son alimentation de territoires sur lesquels
    elle ne dispose d’aucun contrôle démocratique)
    [cf. encadré traitant du poulet
    africain].
  • ce modèle présente chaque État sur un pied
    d’égalité, alors que les pays du Nord (Union
    européenne et États-Unis) possèdent une
    avancée technologique très importante leur
    permettant de produire de grandes quantités
    industrielles, qui de plus sont exportées à
    des prix inférieurs au coût de production du
    fait des subventions agricoles que ces deux
    instances versent à leurs producteurs agroindustriels).
  • ce modèle est écologiquement désastreux,
    puisqu’il impose que des produits traversent
    les continents et les océans alors qu’ils pourraient
    être produits localement.
    Les services
    Pour les services, qui représentent environ
    les deux tiers des emplois et du Produit Intérieur
    Brut (PIB) des économies des États
    industrialisés, il s’agit de permettre aux entreprises
    de services d’exporter leurs
    compétences à travers le monde afin de donner
    à chaque individu accès à des services de
    qualité.

Ce volet des négociations au sein de l’OMC
se fait dans le cadre de l’Accord Général sur le
Commerce des Services (AGCS), dont le projet
de Directive dite « Bolkestein » est l’illustration
au niveau de l’Union européenne. Il s’agit en
fait de n’autoriser comme conception des services
qu’une seule conception marchande : on
met par exemple sur le même plan le service
vendu lorsqu’on occupe une chambre d’hôtel
ou lorsqu’on se fait livrer une pizza et le service
fourni lorsqu’on reçoit des soins médicaux dans
un hôpital.

Cette conception strictement marchande
des services entraîne de fait l’abandon de la
notion de service public, c’est-à-dire des services
devant servir à satisfaire des besoins fondamentaux
et face à la fourniture desquels
chaque femme et chaque homme est égal en
droit, quelles que soient ses ressources et quel
que soit son lieu de résidence.
La libéralisation des marchés des services,
quel que soit l’endroit de la planète que l’on
considère, a pour conséquence de mettre en
place une société à deux vitesses : à ceux qui
ont les moyens de payer, la possibilité de s’acheter
les prestations de services des entreprises
présentes sur le marché ; aux autres, les
restes d’un service public disposant d’un budget
réduit au minimum.

  Et l’Europe dans tout ça ?

Le commissaire au Commerce extérieur, Peter
Mandelson, est dans la droite lignée de son
prédécesseur Pascal Lamy. Libéral convaincu,
il dispose du soutien sans faille des 25 gouvernements
européens, qui ont confirmé le mandat
adopté en 1999 (avant la réunion de Seattle
consistant à libéraliser tous les secteurs d’activités...
Il serait peut-être temps que l’Europe
cesse de défendre au sein de l’OMC les seuls
intérêts de ses firmes transnationales...
Du moins, il est grand temps de rédéfinir,
dans la plus grande transparence, le mandat
donné au commissaire européen.

Plus d’infos sur les enjeux
analyses de l’URFIG : http://www.urfig.org/

P.-S.

OMC : précisions :

Avantages absolus. La théorie des avantages absolus
est à l’origine des analyses libérales des échanges internationaux.
Les pays ont généralement des productions
pour lesquelles ils sont les plus efficaces (en termes de
moyens utilisés, que ce soit en termes de nombre d’heures
de travail fourni ou en termes de capital investi).
Chacun doit se spécialiser dans ces productions : il fournira
ainsi sur le marché mondial ses produits au meilleur
rapport qualité/prix. Chaque pays est ainsi censé avoir un
avantage à participer à l’échange international.

Avantages comparatifs. Lorsqu’un pays ne dispose pas
d’avantage absolu dans un domaine, il existe néanmoins
d’autres domaines dans lesquels son désavantage est le
plus faible (c’est-à-dire dans lesquels son avantage est
comparativement le plus important). David Ricardo affirme
ainsi (avantages absolus ou pas) que tous les pays
gagnent à l’échange si tant est qu’ils se spécialisent dans
certains domaines judicieusement choisis, c’est-à-dire
ceux dans lesquels ils peuvent proposer des produits ou
des services au meilleur rapport qualité/prix.
Même si des perfectionnements ont été apportés à
cette théorie, elle demeure le fondement des théories libérales
de l’échange international.