La façade de l’OMC est belle. La réalité l’est moins

La façade de l’OMC est belle. La réalité l’est moins

Sur son site, on peut en lire la
description suivante :
« L’OMC est dirigée par les gouvernements
qui en sont membres.
Toutes les grandes décisions sont
prises par l’ensemble des membres,
soit à l’échelon des Ministres (qui se
réunissent au moins tous les deux
ans), soit au niveau des ambassadeurs
et des délégués (qui se rencontrent
régulièrement à Genève).
Les décisions sont normalement
prises par consensus.

À cet égard, l’OMC est différente
de certaines autres organisations
internationales comme la Banque
mondiale et le Fonds monétaire
international. À l’OMC, il n’y a pas
de délégation des pouvoirs à un
conseil d’administration ou au chef
de l’organisation. »
Le fonctionnement réel de l’OMC
est que s’il n’y a pas un droit de veto
accordé à un Conseil de sécurité
comme à l’ONU (Organisation des
Nations Unies), il y a un secrétariat
permanent qui siège à Genève et où
se fait la majeure partie des tractations
et préparations des grandes
Conférences interministérielles.

C’est-à-dire que ce « consensus »
dont se revendique l’OMC ne prend
nullement en compte (ou, si l’on préfère,
prend délibérément en compte)
le fait que seuls les États pouvant
assumer la présence d’une délégation
permanente sont en mesure de
préparer ces Conférences : les États
du Sud sont mis devant le fait accompli
et doivent alors souvent
accepter les textes préparés à Genève
sans savoir ce qu’ils impliquent
réellement.

Les conférences interministérielles
elles-mêmes mettent en
oeuvre cette dissymétrie flagrante
entre États riches et États pauvres.
Alors que l’Union Européenne et les
États-Unis se déplacent avec des
délégations de plus de 50 membres
pour pouvoir suivre toutes les discussions,
certains États sont obligés
de se regrouper afin de n’envoyer
qu’un seul délégué, qui de fait n’est
pas en mesure de suivre les discussions.
On peut ici saluer les efforts
fournis par certaines ONG, notamment
Oxfam-Belgique qui met à
disposition, auprès de ces États
souffrant d’une asymétrie d’informations,
des chercheurs, comme par
exemple Raoul Marc Jennar, aguerris
au mode de fonctionnement des
commissaires européens et autres
hauts fonctionnaires des pays du
Nord.

P.-S.

OMC : exemple du poulet africain

Ouverture des frontières et
baisse des droits de douane
pour ouvrir les économies au
marché mondial... Pour le bien
de tout le monde ?
Prenons juste un exemple, celui
du groupe français Doux, troisième
producteur mondial de
poulets, qui a délocalisé une
partie de sa production industrielle
au Brésil pour profiter des
« avantages comparatifs » de
ce pays (en l’occurrence, des
coûts salariaux plus bas qu’en
Europe). Cet industriel du poulet,
lorsque les droits de douane
des marchés ouest africains ont
été diminués, a changé ses
clients, concernant une partie
de sa production : les bas morceaux
de poulets (croupions,
ailes etc.) dédaignés par les
consommateurs de Nord au
profit de lots de cuisses, et auparavant
vendus aux entreprises
de nourriture pour animaux,
sont aujourd’hui exportés
vers l’Afrique de l’Ouest ; ce qui
est plus rémunérateur pour
l’entreprise.
Ces exportations massives, en
plus de ne viser aucunement
une meilleure alimentation de la
population, ont pour principale
conséquence de réduire fortement
le nombre d’élevages de
poulets fermiers en Afrique,
cassant davantage le tissu socio-
économique local et accentuant
la dépendance alimentaire
de cette région à une multinationale
agro-alimentaire dont les
clients ne sont choisis que selon
ses perspectives de profit.