Info partout...

L’ONU a chargé l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) de coordonner le développement des nouvelles technologies de l’information et des communications dans le monde. Pour ce faire, elle a préconisé une démarche différente de celle de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ou du G8 (regroupement des 8 pays les plus riches). Le SMSI (Sommet Mondial sur la Société de l’Information) est un sommet tripartite, ouvert aux gouvernants de tous les pays, aux firmes multinationales, et à la « société civile » (organisations non gouvernementales, collectifs citoyens, syndicats). Curieux de savoir quelle issue aurait cette initiative onusienne, et afin de rendre compte aux étudiants des enjeux de telles rencontres, Muhammer de TV Campus, Etienne du journal Kactus, Augustin du BDA 3A, Keyvan d’Animafac, et moi-même avons participé au Sommet et au contre-Sommet.

Etat des lieux d’un « village global » inégal.
Le sommet se déroule en deux phases. La première, se tenant à Genève du 10 au 12 décembre 2003 a pour but d’adopter une déclaration de principes et un plan d’action. La seconde, prévue à Tunis en 2005, vise à approfondir les thèmes liés au développement et à effectuer une première évaluation des actions mises en œuvres depuis le Sommet de Genève. Ambitieux, cette rencontre internationale aimerait être à la Société de l’information ce que Rio a été à l’environnement : le point de départ d’une vaste prise de conscience et un débat dans un domaine qui, jusque là, était réservé aux politiques nationales. La réduction de la « fracture numérique », c’est à dire de l’inégal développement des NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) dans le monde, est un objectif du Sommet de Genève. En 2000, le continent africain comptait 16 millions de raccordements téléphoniques, un chiffre inférieur au nombre de lignes de Manhattan ou Tokyo. En Suisse et en Allemagne, environ 60% de la population utilise régulièrement le « oueb », à peu près autant qu’aux Etats-Unis. En Afrique, en revanche, 1 habitant sur 118 a accès à Internet. Le Niger et le Burkina disposent de 2 à 4 Mbps (bande passante équivalent à la taille des tuyaux de données), correspondant à la capacité de communiquer de 4 abonnés ADSL (haut débit). Une ONG, CSDPTT, estime à 15 milliards d’euros la construction d’une infrastructure intra-africaine, un réseau panafricain qui sortirait les Africains du ghetto technologique. Un discours messianique de la part des ONG ? Non, plutôt un signal d’alarme qui vise le problème majeur qu’est le financement. Il y a un besoin urgent d’investissement. Cela justifie alors pour l’UIT, organisant et coordonnant le Sommet, la présence des grandes multinationales aux discussions de Genève. Alors que les uns appellent à un « Plan Marshall » fondé sur l’aide publique au développement pour atteindre l’objectif de réduction de la « fracture numérique », les autres vénèrent la libéralisation économique de tous les secteurs. Si des questions telles que l’éducation, la liberté d’expression, le respect de la diversité culturelle, la propriété intellectuelle, ou encore la gouvernance, y ont été abordées... elles sont absentes des déclarations finales et officielles du premier cycle « Genève 2003 ».

Internet comme espace de socialisation politique. Les expériences de mise en réseau : l’engagement alternatif . « Become the Media ».
La liberté d’expression est trop souvent opprimée partout dans le monde ; que l’ONG Reporters Sans Frontières ne soit pas admise au SMSI révèle un manque de considération envers des droits universels que l’ONU est censée faire valoir. Des participants à ce sommet refusent qu’il se poursuive à Tunis en 2005, alors que l’Etat tunisien est régulièrement dénoncé pour ses violations de la liberté d’expression, certains journalistes étaient venus en témoigner. La « free culture » dont se revendique le monde du media activisme avait également investi Genève ; en marge du Sommet, un « Media Lab Center » réunissait les communautés militantes, peu nombreuses pour l’occasion, et informatiques alternatives. Le contre-sommet diffusait ce message « WSIS ? We seize ! » (Pour comprendre le jeu de mot, consulter éventuellement un ou une ami-e en LEA ou www.geneva03.org). On y pratiquait à toute heure du jour et de la nuit un décryptage du traitement médiatique des évènements, au moyen d’un réseau d’observateurs, de journalistes indépendants et d’individus prenant la parole notamment au sein d’Indymedia (à consulter absolument pour resté informé-e). « Don’t hate the media, become the media » est leur leitmotiv. Le réseau est devenu la dimension propice à une citoyenneté mondiale renouvelée. Ces médias (radios, journaux ou points d’accès à Internet) permettent à des populations défavorisées et réprimées de produire des émissions, des reportages et des tribunes libres liées à leurs préoccupations, elle permet aux sans-voix d’exprimer leurs voix. Les media activistes traitent la problématique technologique au regard de considérations sociales, comme les questions du genre et des médias, la guerre et les medias, la défense des libertés, des connaissances indigènes et traditionnelles, les logiciels libres et l’expression créative.

Rassure-toi étudiant-e ! L’information est gratuite.
Avec la « révolution numérique » (une nouvelle façon de communiquer, paraît-il) dans les pays démocratiques, se produisait la transformation radicale des medias. On observait la disparition d’une spécialisation économique dans l’industrie du son et de l’image. Des acteurs extérieurs ont investi le champs de la production d’information, aboutissant à des empires médiatiques d’une configuration nouvelle : la fusion des traitements du son, du texte, et de l’image, de leur moyen de production à leurs canaux de diffusion.

Marchandisation de l’information ? Rassure-toi étudiant ! L’information est gratuite, aucun moyen dès lors d’en faire un marché. Ce début de raisonnement ne tient que parce qu’il ne vise pas le bon produit. Le bon produit, c’est le public. Ce que vendent les medias aux annonceurs, c’est l’audience. Cela s’est si bien vendu ces dernières années que la Société de l’Information est devenue un enjeu économique démesuré. L’information, réduite à une image, simplifiée à l’extrême, devient consommable dans l’immédiat. Or on peut relever 100 ou 1000 exemples d’informations erronées parce qu’immédiates. Le paysage médiatique est pollué par une surabondance de communication, véhiculant des messages biaisés, ne garantissant plus l’accès des citoyens à une information crédible. Le paradoxe réside dans le fait qu’une pénurie d’information se fait sentir dans les régions défavorisées du monde, alors qu’un excès se manifeste dans les sociétés post-industrielles. De la même façon, les carences alimentaires lèsent les populations sans ressources, et la surcharge pondérale des populations occidentales inquiète de plus en plus les autorités. Trop d’information nuit à la qualité de celle-ci. Alors, des connexions pour tous, oui évidemment ! Mais pour y diffuser quelle information ?

Cyrille G.

P.-S.

Sources :
AfricaComputing ; Casic2004 ; CSDPTT ; BPEM ; Indymedia ; Le Monde Diplomatique ; Geneva03 ; OCDE ; UIT