Devenons consom’acteurs !

Le commerce équitable devient à la mode, ce qui n’a pas échappé à la grande distribution, toujours à l’affût, qui se met à vendre du café labellisé Max Havelaar, espérant empocher des royalties tout en se donnant bonne conscience. Ceci est loin d’être du commerce équitable ! Afin de nous remettre les idées au clair, voici un petit rappel historique, éthique et « jeux olympiques » sur cette nouvelle forme de consom’action ?
« Trade not aid » (du commerce, pas de l’aide) : tel fut le slogan lancé par les pays du Sud lors de la réunion de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) en 1964. Il ne s’agissait pas de brader l’aide au développement mais de construire un modèle alternatif d’échanges commerciaux, basés sur des rapports plus équitables entre le Nord et le Sud.
Les premiers magasins équitables ont ouvert en Angleterre la même année, à l’initiative d’Oxfam, organisation non gouvernementale (ONG). En France, la première boutique Artisans du Monde (ADM) est créée en 1974. Cette association, qui compte aujourd’hui 146 points de vente, constitue une véritable alternative au commerce « normal » inéquitable.
Quand on achète un produit équitable, on sait que :
les producteurs sont rétribués selon un prix juste et stable :
le prix est fixé en fonction du coût de production et du coût de la vie, et non selon les termes de l’échange mondial, fluctuant et se dégradant sans cesse pour les pays du Sud.
cela évite la multiplication des intermédiaires commerciaux :
les produits sont achetés directement aux organisations de producteurs par une centrale d’achat qui les distribue ensuite dans les différents points de vente. Tous les intermédiaires inutiles sont donc supprimés, ce qui empêche les spéculateurs de se remplir les poches sur le dos des petits producteurs !
les droit sociaux sont respectés :
abolition du travail forcé, non exploitation des enfants, liberté syndicale, salaire minimum vital, durée maximale du travail, non discrimination, santé et sécurité au travail sont des principes fondamentaux édictés par la convention de l’Organisation Internationale du Travail, mais non respectés par ceux qui les édictent (les pays occidentaux) !
l’achat bénéficie à des producteurs marginalisés et les aide à acquérir leur indépendance économique :
le partenariat s’inscrit dans la durée- l’engagement étant au minimum de trois ans- et l’achat est préfinancé. La plupart des « revendeurs » d’ADM sont bénévoles et les marges faites sur les produits (20% sur l’alimentation et 30% sur l’artisanat) servent uniquement au fonctionnement de l’association et à racheter de nouveaux produits. Ceci explique que les prix ne soient pas forcément plus chers dans les boutiques ADM, contrairement aux idées reçues. Par contre, les mêmes produits équitables achetés en supermarché coûteront plus cher, une marge bien plus importante étant ici prélevée.
Artisans du Monde appartient au collectif « De l’éthique sur l’étiquette », créé en 1995 et regroupant 42 associations de solidarité internationale. Ce collectif a deux principaux objectifs : sensibiliser le grand public sur les conditions de travail des ouvriers fabriquant des produits de grande distribution et faire pression sur les grandes enseignes afin qu’elles s’engagent vraiment dans une démarche de qualité sociale.
Sa dernière campagne, « Jouez le jeu pour les J.O. », a été lancée depuis le début de l’année dans le but d’interpeller le Comité International Olympique (CIO) et les distributeurs d’articles de sport, pour qu’ils s’engagent à s’assurer que ce qu’ils vendent a été fabriqué dans des conditions socialement propres.
La production de chaussures et de vêtements de sport est délocalisée dans les pays à bas salaires où les contrats de travail, s’ils existent, sont injustes et illégaux, et où les situations d’exploitation (journées de 18h avec heures supplémentaires obligatoires mais non rémunérées, violences morales ou physiques ?) sont monnaie courante.
Or, les enseignes de distribution ne reconnaissent que du bout des lèvres ces situations d’exploitation et reportent constamment la responsabilité sur leurs fournisseurs ou sur la législation des pays producteurs. Cette attitude est cynique, sachant que ce secteur représente en France plus de 8,2 milliards d’euros !
C’est pourquoi le Collectif demande concrètement à ces enseignes :

  • de s’engager sur un code de conduite de qualité, les droits sociaux fondamentaux définis par l’OIT ;
  • de respecter ce code ;
  • d’accepter la vérification par un organisme indépendant.
    Mais rares sont les enseignes qui acceptent qu’un tel organisme, associant des ONG, des syndicats ou des organisations de consommateurs, vérifie le respect de leurs engagements. Ceci prouve bien que la règle de l’opacité règne en maître, même s’il faut reconnaître que les trois plus grandes enseignes (Adidas, Reebok et Nike), sous la pression internationale, ont fait quelques concessions. Cependant, on est encore très loin du respect des droits sociaux fondamentaux.

Anne (Aix)

P.-S.

Pour consulter le « baromètre de la qualité sociale » des différentes enseignes françaises ou pour plus d’infos, allez sur le site
www.ethique-sur-etiquette.org